Des nouvelles en ce début d’été 2015, après un long silence :
Surcharge de travail, problèmes de santé, il y a des mois que je n’ai pas pu alimenter ce blog en articles ou en informations relatives à mes activités. Et pourtant il s’est passé beaucoup de choses, l’essentiel étant constitué par la gestation d’un livre sur Beethoven qui devrait paraître à l’automne 2016.
Beethoven, le grand sujet de ma vie ; Beethoven, un génie qui parle de toutes les choses humaines, des plus graves aux plus légères, et qui toujours – si on l’écoute avec l’attention voulue – surprend par l’originalité de sa pensée.
Je vous parlerai bientôt avec plus de détails de ce livre. Ce ne sera pas une biographie, même si la vie romanesque de cet homme peut encore faire couler beaucoup d’encre, mais une réflexion sur l’œuvre du point de vue de sa signification à travers l’étude des trois catégories, espace, temps et énergie, que Beethoven a profondément bouleversées.
Cependant, j’évoquerai avec vous un autre sujet, même si Beethoven y occupe place importante.
Le 18 juillet en l’église de Malicorne (Yonne) et le 19 juillet à 16 heures dans la petite chapelle de Ponessant à SaintMartinsurOuanne, toujours dans l’Yonne, auront lieu deux concerts au cours desquels le Quatuor Amici jouera le Quatuor opus 33 n° 3 de Haydn surnommé « L’oiseau » et le Quatuor opus 131, véritable quatuorcathédrale avec ses sept mouvements enchaînés, comme les sept parties d’une grande architecture religieuse, Vézelay par exemple à cause de son narthex auquel fait penser l’inhabituelle fugue d’ouverture.
J’assurerai la présentation de ces deux concerts et je copie cidessous le bref programme que j’ai rédigé à cette occasion :
Le programme de ces deux concert comporte deux quatuors qui marquent respectivement le début et la fin de ce que l’on considère comme le quatuor classique, dominé par les figures géniales de Haydn, Mozart et Beethoven.
Joseph Haydn (1732-1807) : 29e Quatuor opus 33 n° 3 « l’Oiseau » (1781)
Généralement reconnu comme le père du quatuor, Haydn a commencé par écrire des œuvres appartenant à ce genre nouveau, mais marquées encore par le style baroque dont il se détache peu à peu. Déjà ses six Quatuors opus 20 dits « du soleil » posaient, en 1772, les bases essentielles du quatuor classique. Avec les six quatuors de l’Opus 33, il affirme, dans une lettre à son éditeur Artaria, que ces quatuors « sont d’un genre nouveau et particulier ». Ils marquent en effet une étape importante dans l’évolution du genre et conduiront Mozart, notamment, à les prendre pour modèles.
Parmi eux, le troisième du cahier – mais déjà son 29e Quatuor – recèle un charme particulier, comme le suggère son titre L’oiseau.
Formé de quatre mouvements selon les principes classiques de l’architecture de sonate, il propose successivement un Allegro joyeux et plein d’entrain avec la vigueur de ses accompagnements en notes répétées, puis un Scherzo, Allegretto, dont les parties extrêmes très concentrées dans l’espace montrent une tendance narrative tandis que le trio central, confié seulement aux deux violons, pourrait imiter le dialogue entre deux oiseaux. L’Adagio ma non troppo utilise encore une survivance formelle du baroque, la reprise variée à partir d’un thème empreint de gravité mais tendant souvent à s’alléger par rythmes alertes et des ornementations rapides et fluides. Quant au Presto final, c’est un rondo très enlevé, plein de verve et d’esprit.
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : 14e Quatuor opus 131 (1826)
Ce quatuor était le préféré du compositeur qui notait ironiquement sur le manuscrit qu’il envoyait à son éditeur : « volé de-ci, de-là et recollé ensemble ». Or aucun quatuor de l’histoire du genre ne se révèle plus intégré, plus soigneusement élaboré, plus complexe dans son écriture et dans sa forme. Certes à la première écoute, il peut donner une impression de décousu, de morcellement, car le discours, qui ne cesse de changer de nature, traverse, pendant les quelque quarante minutes de sa durée ininterrompue, quantité de paysages expressifs différents avec pas moins d’une cinquantaine d’indications de changement de tempo. Et pourtant tout découle d’un noyau originaire de quatre notes.
Les formes de chacun des sept mouvements de durées disparates (de 1 à 15 minutes) sont atypiques, hormis celle du puissant finale, unique mouvement de forme sonate. Contrairement à toute œuvre instrumentale classique, le quatuor commence par une fugue : ici le prélude est fugue !
Nous donnons maintenant, sans commentaire, l’intitulé de ses sept mouvements qui s’enchaînent sans interruption, en essayant de les caractériser sommairement :
1 – Adagio ma non troppo e molto espressivo, de forme ABA’, fugue mélancolique et dramatisante avec un trio central d’une transparence parsifalienne. Durée ~ 9 minutes.
2 – Allegro molto vivace, forme libre avec un thème qui se répète en se déformant, comme une suite de vagues qui, parfois impétueuses, viennent toutes mourir doucement sur la plage. Durée ~ 3 minutes.
3 – Allegro moderato – Adagio. Forme libre. Quasi récitatif. Rapide voyage. Durée ~1 minute.
4 – Andante ma non troppo e molto cantabile. Thème en forme de dialogue amoureux suivi de sept variations-métamorphoses, constituant chacune un microcosme différent, avec un tempo et un caractère spécifiques. Durée ~ 15 minutes.
5 – Presto, de forme scherzo en cinq parties. Répétitions et surprises à partir d’un matériau d’origine populaire. Durée ~ 6 minutes
6 – Adagio quasi un poco andante. Mélodie infinie. Lamento. Durée ~ 2 minutes et demie.
7 – Allegro. Forme sonate bithématique opposant un thème rude et énergique au souffle épique et un thème fluide inscrit dans un temps rêveur. Durée ~7 minutes.
Considérée par beaucoup comme un grand chef-d’œuvre de l’humanité, le Quatuor opus 131 fait partie du panthéon artistique de maintes grandes figures comme Sartre et Kundera, Wagner et Stravinsky, ou, bien sûr, Romain Rolland.